LUCIEN LAVISCOUNT : “LA MODE PEUT CHANGER VOTRE HUMEUR ET LA PERCEPTION QU’ON PEUT SE FAIRE DE VOUS”

Si quelque chose vous procure autant de joie que la mode m’en procure, alors vous devriez vous en emparer et surfer dessus”, s’enthousiasme Lucien Laviscount quand il nous parle de mode. Connu pour son rôle d’irrésistible Alfie, dans la série Emily in Paris, l’acteur britannique de 31 ans a été repéré dès l’âge de 10 ans afin de servir de mannequin pour Marks & Spencer. Via la marque, il rencontre enfant David Beckham, rapidement séduit par son humour, et qui lui recommande de se lancer dans le théâtre. Conseil qu’il suit et qui le mène à jouer pour des séries, dont Grange Hill (sorte de Degrassi britannique) ou le plus vieux des feuilletons britanniques qu’est Coronation Street (un soap opera façon Amour, Gloire et Beauté) et quelques apparitions filmiques. Mais Lucien Laviscount porte si bien ses costumes de banquier londonien dans la série Netflix façon carte postale de la Ville lumière, qu’il a séduit les industries de la mode et de la beauté, et que des rumeurs le rêvent déjà en prochain James Bond. Rencontre avec un agent du style sans secret.

Quel est votre premier souvenir de mode ?

Quand j’étais tout petit, ma mère travaillait notamment dans un grand magasin, sur un corner de parfum, et j’étais fasciné par un Macintosh orange vif qu’elle enfilait pour aller au boulot. Quand elle endossait cette veste, j’avais l’impression qu’elle passait du mode “maman de trois enfants” au mode “travail” comme une super-héroïne. C’est comme ça que j’ai réalisé le pouvoir transformateur du vêtement. Ma mère est ma première icône de mode.

Y avait-il de la compétition entre vos deux frères et vous pour être l’enfant le mieux habillé ?Jamais de compétition ! (Rires) Nous sommes des garçons du nord de l’Angleterre, donc la mode fait vraiment partie de notre culture. Je suis l’enfant du milieu et nous avons très peu de différence d’âge, alors j’héritais des affaires de mon grand frère avant que ce soit au tour du dernier, et puis on s’échangeait beaucoup nos vêtements avec plaisir. À l’époque, on était fan de Lacoste, Calvin Klein, Sergio Tacchini... Encore aujourd’hui, il m’arrive souvent que mes frères et la culture de la mode du nord de l’Angleterre inspirent ma garde-robe actuelle.

Qui étaient vos autres icônes de mode en grandissant ?

J’en ai eu plusieurs pour des raisons différentes, mais je pense surtout à Lenny Kravitz et Prince qui incarnaient avec confiance des personnages magnifiques via la mode. Devant le miroir, je me demande parfois qui je serai dans cinq ans, et j’espère que je serai une source d’inspiration pour d’autres, dans différents domaines, mais surtout dans la mode. Je voudrais continuer à explorer différentes façons de m’habiller et pouvoir inspirer les hommes à essayer quelque chose de nouveau ou d’en dehors de la “norme”.

Comment a évolué votre rapport à la mode au fil de votre carrière ?

À force d’entrer et sortir de différents personnages sur des tournages, je suis profondément tombé amoureux du pouvoir transformateur de la mode. Ma carrière m’a aussi permis d’accéder à de grandes maisons et d’avoir la chance de nouer des relations avec elles, ce qui a également joué un rôle clé dans mon évolution.

À quoi vous sert la mode au quotidien, comme outil de travail et d’expression personnelle ?

Clairement, la mode peut permettre d’endosser différents rôles, d’incarner le personnage qu’on a envie d’être ce jour-là. Des jours où je n’ai pas le moral, je peux justement m’efforcer de faire un effort supplémentaire sur ma tenue afin de me sentir mieux. La mode peut vraiment changer votre humeur et la perception qu’on peut se faire de vous. Elle peut même m’aider à construire un personnage, par exemple pour mon look à l’after party des Oscars de Vanity Fair : mon styliste Danyul Brown et moi avons tous deux travaillé ensemble pour créer une réinterprétation masculine du look emblématique d’Audrey Hepburn dans le film Diamants sur canapé. Je veux toujours que les gens questionnent ce que je porte, qu’ils s’interrogent sur mes inspirations. Ça rend la mode plus amusante et excitante !

Est-ce important pour vous d’aller là où l’on ne vous attend pas côté style ?

Je pense que surprendre le monde est aussi important que me surprendre moi-même lorsqu’il s’agit de choisir ma tenue. J’ai travaillé en étroite collaboration avec mon styliste des mois à l’avance sur les personnages que nous pouvons créer pour des looks d’événements importants et c’est vraiment génial d’être parfois poussé à essayer de nouvelles choses car elles s’avèrent toujours payantes. Je suis acteur, donc endosser des rôles différents via la mode est quelque chose qui m’a toujours enthousiasmé.

Quelles sont vos meilleures astuces pour vous amuser avec la mode et rester fidèle à vous-même ?

Pour s’amuser avec la mode, mon principal conseil serait de lâcher prise. Abandonnez toutes les insécurités ou limites que la société a pu créer pour les hommes et la mode et amusez-vous simplement avec. La mode est un art et je peux porter de l’art.

Qui sont vos créateurs préférés dernièrement ?

Je tombe amoureux d’un créateur de plus chaque jour, c’est tellement excitant de voir la mode masculine prendre de plus en plus d’ampleur. Je pense que si je devais choisir, je dirais que j’aime vraiment ce que font Versace, Dolce & Gabbana et Ferragamo [actuellement dirigé artistiquement par le Britannique Maximilian Davis, ndlr]. Rencontrer Donatella Versace a été un moment majeur dans ma vie, c’est une légende. Le récent défilé masculin de Dolce & Gabbana était absolument époustouflant, du début à la fin. Enfin, je suis un fan fidèle de Louis Vuitton et j’ai vraiment hâte de voir où Pharrell amènera la maison !

Qu’est-ce qu’il manque à l’industrie de la mode, selon vous ?

Je ne crois pas que la mode manque de quelque chose en ce moment. Je dis toujours que si vous portez quelque chose avec confiance, vous aurez fière allure dans n’importe quoi. J’espère que l’industrie continuera d’ouvrir les portes aux hommes masculins comme moi pour expérimenter les vêtements et exprimer leur intériorité à travers ce que nous choisissons de porter. Je pense qu’il y a beaucoup de beauté dans la vulnérabilité, et je veux être le plus vulnérable possible.

Qu’est-ce qui vous aide à vous sentir mieux quand ça ne va pas ?

Parfois, pleurer un bon coup fait du bien, c’est important de l’admettre. Il faut aussi se rappeler qu’un mauvais jour n’est pas une mauvaise vie, que demain sera sûrement différent, une nouvelle occasion d’améliorer les choses. Être bien entouré est essentiel aussi, et j’ai la chance d’avoir des personnes géniales autour de moi que je n’hésite pas à solliciter. La mode m’aide aussi à me réaligner avec moi-même si je me sens un peu perdu : certaines pièces nous font nous sentir chez nous, davantage soi, ou encore la version la plus puissante de soi. Faire du sport régulièrement me fait aussi beaucoup de bien mentalement, que ce soit courir, nager, ou soulever des poids. Lire et écrire m’aide à me recentrer aussi, j’aime le journaling pour ordonner mes pensées. Et puis, souffler un bon coup ne peut jamais faire de mal.

Comment vous entendez-vous avec votre corps, votre genre, et votre santé mentale aujourd’hui ?

Cela dépend des jours : la plupart du temps, ça va, mais des fois, je me déteste, comme tout le monde. Ce serait génial d’avoir ultra confiance en soi tous les jours, mais travailler sur nos insécurités physiques et mentales permet justement de grandir, d’apprendre, de se surpasser. Je me sens à ma place aujourd’hui, et suffisamment confiant pour ressembler à ce que je veux, et surtout être qui je veux et faire ce que je veux.

CRÉDITS DE PRODUCTION

Journaliste : Anthony Vincent

Photographe : Marcel Nestler

Styliste : Victor Vergara

Hair : Jessy “Jay Barber” Durimel

Make-up : Sarah Damen avec Make up Forever

Assistante photo : Emma Charbonneau

Assistants stylistes : Pierre Dufait et Vénus Azari

Set design : Les Castay

Production : Maison Montcalm

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