GIORGIO ARMANI à 90 ANS : LE STYLE, C'EST L'HOMME.
C'est un jeune homme de 90 ans. Et il porte beau. Aujourd'hui comme hier. Mais n'allez pas confondre Giorgio Armani avec Dorian Gray - il ne se complaît ni dans le souvenir de sa propre jeunesse, ni dans l'immuabilité d'une image ni a fortiori dans une vie d'esthète obsédé par l'art pour l'art. L'homme est un travailleur au long cours, qui n'a jamais cessé depuis qu'il a fondé sa maison en 1975. Il y a quelques mois, les réseaux sociaux se sont affolés alors que le maestro avait été surpris en train de rectifier lui-même les vitrines de l'un de ses magasins milanais. Il y a quelques semaines, il présentait coup sur coup trois collections : à Milan, ses deux opus masculins pour l'été 2025- et à Paris, sa proposition de Couture. Trois moments comme le précipité de son style, trois collections parmi ses meilleures, fortes de ses codes esthétiques jouant des paradoxes : une fluidité nette, une sophistication nonchalante, une palette infinie de bleus, de gris, de grèges devenant les plus éclatantes des couleurs chuchotées.
L'esthétique de la soustraction
Il en faut du métier et des collections, pour arriver à l'essence d'un propos, passer de la mode au style. Il y a quelques années, il déclarait à l'auteur de ces lignes : " Ma mère m'a donné un merveilleux conseil. Elle avait l'habitude de dire que si vous voulez créer de la beauté, il faut faire ce qui est nécessaire, pas plus. C'est une grande leçon, car en essayant d'aller à l'essence même des choses, en éliminant le superflu, vous atteignez l'intemporel - le costume pantalon parfait ; la veste ou le manteau essentiel ; la robe noire ultime. Ce sont des vêtements qui peuvent être portés pendant de nombreuses années sans avoir l'air datés, et, tout aussi important, sans que celui qui les porte ne le ressente. Je conçois par soustraction. J'ôte des choses pour laisser l'essentiel." Et d'ajouter, alors qu'on lui demandait une leçon d'élégance : " Mon conseil est simple : avant de quitter votre domicile, regardez-vous dans la glace et demandez-vous ce que vous pouvez retirer à votre tenue. "
De Milan à Tokyo
C'est cela le chic de Giorgio Armani. Une manière d'aller au fond des choses sans en avoir l'air, mais sans jamais rien lâcher. Où qu'il soit. Il faut l'avoir aperçu rectifier une mèche quelques minutes avant qu'un mannequin ne s'élance dans son teatro de Milan,
signé Tadao Ando. Il faut l'avoir repéré, dans la chaleur de Dubai, vérifier quelques heures avant un défilé la manière dont le public allait être placé. Il faut l'avoir vu, dans la nuit de Tokyo, sourire et se détendre après une standing ovation - sans doute car il se sent bien dans cet archipel dont il nous confiait alors "J'aime la simplicité, la rigueur et le raffinement de cet esthétisme. En 1998, après un défilé à Tokyo déjà, un critique d'art a défini ma mode comme étant "iki", une forme de 'séduction abstraite'. Cela m'a semblé bien dire ce qu'était mon style. "
Des détails et des stars
Il faut avoir eu la chance de l'avoir rencontré plusieurs fois pour comprendre son acuité - il se souvient toujours d'avoir préalablement répondu à une question, n'hésite pas à repréciser sa pensée, Avec cela, une manière de simplicité dans l'approche - il accepte volontiers de prendre la pose avec les uns et les autres, inconnus ou stars avec lesquels il a tissé des liens anciens, reflets du chant amébée qu'il a entamé depuis longtemps avec le cinéma. Cela n'en fait pas un être sans exigence sans doute - on ne bâtit pas un empire comme le sien, allant
de la mode au design, sans une attention obsessionnelle au détail - tout lui est soumis, d'un projet architectural pour un de ses hôtels au dessin d'un flacon de parfum, via naturellement l'idée d'une robe, le choix d'une fleur, le design d'un yacht, le parcours d'une exposition dans son propre musée milanais ou la recette d'un plat servi dans un de ses restaurants.
La soif d'entreprendre
Lorsqu'il est heureux, il n'hésite pas à le dire : il est entouré de fidèles, les mêmes depuis des années, un signe qui ne trompe pas. Une garde rapprochée avec laquelle il ne cesse de travailler, de penser à l'avenir, d'entreprendre - il est son propre chef d'entreprise. La preuve, à la veille de son quatre-vingt-dixième anniversaire, le 11 juillet, il a annoncé qu'il ne défilerait pas à Milan lors de la prochaine fashion week de septembre. Une fin de parcours ? Non, un nouveau défi : c'est à New York qu'il a décidé de présenter, en dehors de tout calendrier officiel, son prochain opus, en célébrant dans le même temps ses autres univers. Il a bien raison de faire ce qu'il veut. Cela lui a toujours bien réussi. Joyeux anniversaire, maestro !
2024-07-11T06:03:50Z